Jaureguiberry, à une centaine de kilomètres de Montevideo en Uruguay. En contre bas d’une voie rapide, des jeunes équipés de casques jaunes, la peau bronzée par un soleil brûlant s’activent sur un curieux bâtiment. Hall d’entrée constituée de canettes en aluminium, structures fait de pneus, de bouteilles en verre ou de boites de conserve : bienvenue sur le chantier de la première école durable et auto-suffisante d’Amérique du Sud.
Earthship : un chantier et des dreads
Ce projet, c’est la continuité d’un rêve imaginé il y a près de 40 ans par un certain Michael Reynolds. Une gueule de baroudeur : entre Daniel Herrero et Indiana Jones. Dans les années 60, la jeunesse américaine bat le pavé pour exiger la fin de la guerre au Vietnam, Lennon dans les oreilles, colliers de fleurs au cou et pilules de toutes les couleurs sur la langue. Epoque de révolte et de création. Lui décide alors de se consacrer à l’architecture écologique. Son objectif : construire des bâtiments complètement autosuffisants avec des matériaux recyclables : des Earthships. Ce sera le combat d’une vie. « Ce monde est pris dans les ténèbres. Moi j’ai juste vu une petite lueur, d’autres l’ont vu et cette lueur a fini par grossir pour former une belle lumière », explique t-il joliment aujourd’hui.
Il est passé par toutes les étapes : il s’est fait retirer sa licence au début des années 90 avant de la récupérer au terme d’un combat judiciaire de 15 ans. Un documentaire, Garbage Warriors, lui a été consacré pour retracer son périple. Il décide d’expérimenter ses idées à Taos au Nouveau Mexique aux Etats-Unis, d’autres le rejoignent très vite. Aujourd’hui, ils sont plus d’une centaine à y vivre et à construire des maisons au style peu banal, toutes autosuffisantes. Chaque année, toute la troupe part sur un chantier au Malawi, aux Philippines ou en Australie. « On est comme une troupe de cirque, on voyage et on vit ensemble : c’est ça Earthship », sourit-il.
Pour tous, volontaires ou étudiants de l’académie, l’idée est de faire sa part, façon Colibri dans l’incendie. Surtout qu’ils ont tous déboursé entre 1000 et 2500 $ pour participer au projet. « Payer pour faire du volontariat, c’est vrai que la logique peut surprendre. Mes parents aussi ont cru un moment que j’étais rentré dans une secte ! Mais cela permet de financer le projet et de payer les profs qui nous donnent des cours », explique Ombeline, une française de 24 ans venue d’Orléans. « Et puis s’il fallait payer le double ou le triple je le ferai », ajoute t-elle. Il y a un an et demi, elle ne savait pas quoi faire de sa vie. Un jour, elle tombe sur un post Facebook d’Earthship. Elle apprend que Michael Reynolds donne une conférence en Allemagne. Elle prend le train et, ci-tôt l’exposé terminé, signe pour s’engager à ses côtés.
Les témoignages des travailleurs varient mais la conclusion est chaque fois identique : Earthship a changé leurs vies et donne un sens à ce qu’ils font. « Jusqu’ici, je n’avais jamais eu le sentiment d’apprendre et de faire quelque chose d’utile, ici je mets en pratique ce que j’ai appris en cours la pioche à la main et en plus pour une bonne cause !« , s’enthousiasme Grecia, étudiante architecte vénézuelienne. « Ici, on plante une graine, je ne dis pas qu’on va changer le monde mais c’est important pour moi de faire ma part », renchérit Lorena, étudiante colombienne en architecture.
Echange culturel et réveil des consciences
En 2016, l’esprit hippie original insuffle toujours le projet. A Jaureguiberry comme ailleurs, l’idée n’est pas seulement de construire, mais d’apprendre, d’échanger, de se parler. Ce chantier est une tour de Babel. Il n’y a qu’à tendre l’oreille. Chiliens, américains, syriens, français, allemands, brésiliens, en tout ils sont 150 venus de 30 pays différents. Les jeunes alternent entre les cours et la construction de l’école, dans la langue de Shakespeare ou de Cervantes. Il faut dire que le cadre idyllique pousse à l’échange. En fin de journée, tous les travailleurs se retrouvent autour d’une bière, suivie d’une petite baignade dans l’océan, situé à deux pas. Chaque soir plus somptueux, le coucher de soleil a droit à ses applaudissements. Puis, la nuit tombée, c’est feu de joie, airs de guitare et joints sur la plage.
Dans le genre hippie, on n’a encore rien inventé de mieux.
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