Machu Picchu… Le nom seul résonne comme un appel à l’aventure. Machu Picchu (du quechua machu : vieille, et pikchu : montagne, sommet)… Sa simple évocation suffit à vouloir devenir explorateur, archéologue ou aventurier, la machette à la main, prêt à fendre la jungle. Le voilà l’Eldorado, le vrai, celui qui se cache à l’abri des regards, aiguisent les appétits et fait tourner en rond les plus fins limiers. Son pouvoir d’attraction est irrépressible.
Une nouvelle fois, l’énergie mystérieuse de l’Amérique du sud, alimentée par son histoire, ses légendes et les récits successifs de ses voyageurs opère. Elle enveloppe comme un filtre enivrant toute la région du site : sa lumière dorée, sa chaleur poisseuse, sa végétation foisonnante et colorée, ses animaux invisibles et bruyants qui paraissent vous observer. Vous n’êtes pas en terrain conquis ici : vous êtes l’intrus qui se fraye un chemin dans les entrailles d’un domaine foulé par d’autres depuis bien longtemps.
Voyage au cœur de l’Eldorado
Perchées sur une haute montagne verdoyante à l’abri des regards avides depuis des siècles, les ruines du Machu Picchu offrent aux visiteurs la splendeur intacte de leur âge noble. Aucune trace d’idole en or, rien de clinquant ou de rutilant, seulement des bâtiments et des terrasses en pierre aussi droits qu’au premier jour à près de 2400 mètres d’altitude. Le tout sur une montagne si escarpée et si abrupte qu’on l’a croirait dessinée par un enfant. Un miracle lorsque l’on songe que les incas l’ont bâti au XV ème siècle. Un sanctuaire qu’il ont du abandonner pendant la conquête espagnole un siècle plus tard.
Quelque chose se dégage de cette cité nue. Il y a ce panorama vertigineux certes mais il y a autre chose. Une émotion plus qu’une photographie : l’émouvante sensation qu’un peuple a vécu ici, au cœur de cette cité perdue, dans la contemplation de son propre dessein mené à bien. Là où toute construction humaine laisse généralement l’impression de balafrer la nature, le Machu Picchu paraît en avoir épouser les formes, respectueusement. A croire que nos architectes modernes ont moins de goûts et de compétence que les maîtres d’œuvres incas. Le sanctuaire, éclairé de la douce lumière du soleil levant, relève de l’aquarelle plutôt que d’un projet BTP.
Une fois encore, Pablo Neruda, le célèbre poète chilien a su mieux que quiconque mettre des mots magnifiques sur cette émotion : « Machu Picchu est un voyage à la sérénité de l’âme, à la fusion éternelle avec le cosmos, là-bas nous sentons notre propre fragilité. C’est une des plus grandes merveilles d’Amérique du Sud. Un havre de papillons à l’épicentre du grand cercle de la vie. Un miracle de plus. ».
Le Machu Picchu, une merveille en danger
Et c’est peut-être parce que ce grand frisson de l’explorateur est réel pour tout humain doté d’un peu de sensibilité que plus de 3000 personnes foulent chaque jour les pas des incas. Plus encore le dimanche. Soit autant de portes-feuilles. Les chemins pour accéder gratuitement au site se sont réduits à peau de chagrin. Plus question de marcher en provenance de l’est sur le chemin de fer du train Peru Rail, détenu par des capitaux anglais. « Il y a des chutes de pierres, c’est trop dangereux et puis l’entreprise est responsable de votre sécurité », avancent guides touristiques et fonctionnaires du ministère de la culture qui bloquent l’accès côte à côte dans un douteux mélange des genres. Seule la portion de Hydroelectrica à Aguas Calientes (désormais appelé Machu Picchu Pueblo) est accessible à pied en suivant les voies ferrées. Mais jusqu’à quand ?
L’UNESCO, qui a classé le site au Patrimoine Mondiale de l’Humanité en 1983, recommande, elle, 1200 visites par jour maximum pour préserver le site. Mais depuis sa découverte en 1911 par Hiram Bingham, un archéologue et explorateur américain, les autorités péruviennes ont plus œuvré pour l’exploitation du site que pour sa conservation.
Les hommes, bien incapables de reproduire pareille merveille, seraient bien avisés de conserver intacte la poésie d’un tel lieu. Gageons que la sérénité et la tranquillité qui y règnent les y poussent.