Le sentiment de se balader sur le toit du monde, la tête dans un ciel bleu infini, les poumons en manquent d’oxygène : être en terre bolivienne signifie souvent se retrouver à 4000 mètres d’altitude dans une succession de peintures époustouflantes.
Ici, le sol le plus aride succède à des prairies verdoyantes, les montagnes rougeoyantes de cuivre remplacent les étendues blanches de sel, les plateaux supplantent les volcans et les flaques éparses font place à des lacs gigantesques aux couleurs les plus exotiques. Côté faune, ça grouille de toute part : des autruches foncent dans la pampa à toute allure, paraissent faire la course entre elles, les lamas mâchent leur herbe inlassablement, les mouettes piaffent, les flamands rose se blottissent les uns aux autres avant de s’envoler à l’unisson.
Un décor du Roi Lion on vous dit.
Cuivre, sel, volcans, un univers préhistorique
Et dire que l’on vivait jusque là sans soupçonner l’existence d’un tel jardin d’Eden. Le temps ici parait s’être figé net, l’origine du monde pour modèle. C’est un écosystème intact, autosuffisant depuis des milliers d’années que l’on traverse. On perçoit presque le rire malin de Pacha Mama (Mère Nature) qui se réjouit de voir les voyageurs souffrirent toujours un peu plus pour avoir le privilège d’y accéder. Il ne faudrait pas que l’homme y imprime son hideuse marque non plus.
Elle a prévu le coup : les routes ne sont accessibles qu’en 4×4, la poussière se soulève à chaque bourrasque et le mal d’altitude est un obstacle plus sérieux encore. Migraines, nausées, vertiges, les effets indésirables ne manquent pas. Le remède ? Boire beaucoup (de l’eau de préférence, la Tequila n’est pas vraiment recommandée), mâcher de la feuille de coca et prier si le cœur vous en dit. La température est une entrave supplémentaire. Si la journée est bercée d’un doux soleil, sitôt la nuit tombée, le froid vous mord les os pour mieux vous faire déguerpir.
Irréductibles en décor lunaire
Cela donne l’occasion de faire escale dans des pueblitos (des bourgades de 5 à 20 familles seulement) si étriqués que l’on ne peut les appeler villages. On tombe dessus comme par enchantement au détour d’une succession sans fin de virages sur une route cahoteuse. Malgré leur éloignement, chaque patelin possède son propre terrain de foot, sa propre école primaire et parfois même son propre gymnase ! Les habitants travaillent dans les mines de cuivre, cultivent du quinoa (le même que l’on trouve dans les magasins bio de toute l’Europe) ou tiennent une ferme de lamas. Le tout en coopérative.
Ces populations ne sont pas abandonnées, mieux, elles sont organisées et font du business.
Au bout de quatre jours de 4×4, le sol change soudainement de structure, il devient rugueux, craquelant. Les 12 500 km² de plaques de sel du Salar d’Uyuni s’étendent à perte de vue. Le lever de soleil là bas est l’un des spectacles les plus ahurissants et émouvants auquel nous avons pu assister.
Tout y est irréel : les cactus grands comme trois hommes, larges comme des piliers de rugby, la teinte violette de l’océan de sel qui nous entoure, les teintes arc-en-ciel qui surplombent les montagnes à l’approche du soleil. Aucune couleur n’est franche, elles sont pourtant toutes là, bien visibles. Mais les transitions entre elles sont si élaborées que le tout est à la fois un ensemble uni et un éventail de ce que la beauté peut offrir comme nuances.
En cinq minutes, le soleil franchit les cimes, tous les vernis fuient alors au profit d’un blanc aveuglant.
Dans ce terrain hostile à toute vie, Pacha Mama sait aussi dévoiler ses charmes.